KAMINSKY RESISTANT

 

Lorsque la construction du mur de l'Atlantique commence, Kaminsky commet ses premiers actes de résistance en participant à la surveillance de la gare de Vire par laquelle les trains chargés de matériaux de construction transitaient. Les informations qu'il aide à recueillir (nombre de wagons, chargement, destination...) sont transmises à Londres. C'est aussi à cette période qu'il fabrique des détonateurs destinés au sabotage des voies ferrées. Mais cette action n'a jamais causé des pertes humaines : au début de la guerre, les résistants s'appliquaient à ne provoquer que des dégâts matériels.


Déraillement d'un convoi de guerre allemand.

Après son séjour à Drancy et la rupture des relations diplomatiques de l'Argentine avec le Reich, le père d'Adolfo entre en contact avec un petit groupe de Résistance Juive nomée "La Sixième" pour se procurer les faux papiers nécessaires à une vie clandestine. Sous l'occupation, il fallait en effet non seulement une carte d'identité, mais aussi une carte de rationnement spécifique à l'âge du détenteur (enfant, adolescent ou adulte), ainsi qu'une carte de tabac pour les majeurs.

C'est Adolfo qui est envoyé au rendez-vous pour porter les papiers à falsifier. Il fait connaissance avec le Résistant et lui apprend au cours de la conversation qu'il possède une formation de teinturier. Aussitôt intéressé, le membre de la Sixième lui parle des problèmes que son équipe rencontre pour faire disparaître les taches d'encre bleue Waterman sur les cartes à contrefaire. Notre jeune chimiste lui répond immédiatement qu'il faut utiliser de l'acide lactique, "truc" qu'il avait découvert durant ses journées à la laiterie de Vire. Impressionné, le Résistant lui propose de mettre ses compétences au service du laboratoire secret. Tout de suite enthousiaste, Adolfo accepte et cette réponse marque un tournant dans sa vie...

Le jeune homme découvre peu de temps après la chambre de bonne du 17, rue des St Pères servant de laboratoire à "La Sixième". Dans ces quelques mètres carrés, on falsifiait des cartes d'identité et d'alimentation principalement destinées aux enfants juifs - leur sauvetage étant le principal but de l'organisation, avec le M.L.N (Mouvement de Libération Nationale, pour lequel les ordres généraux venaient de Londres). Une étudiante des beaux-arts, Susie, contrefaisait les cartes avec des moyens rudimentaires, tel le coloriage. De plus, de nombreuses difficultés étaient rencontrées, comme la décoloration des tampons "JUIF", qui se faisaient à l'eau de Javel bouillante. Cette technique abîmait le papier, et les cartes ainsi falsifiées se détérioraient au contact de l'acide urique contenu dans la sueur. Nénuphar, chimiste dans une usine de produits de beauté, expose le problème a Kaminsky. Il se procure une caisse d'échantillons de produits chimiques auprès d'une entreprise et trouve immédiatement un moyen de surmonter l'obstacle.

carte d'identité d'une enfant juive

Impressionnées, les deux jeunes filles lui délèguent alors quelques responsabilités. Adolfo résout difficulté sur difficulté et chacun vient lui demander conseil. Ainsi, malgré son très jeune âge (sur lequel il ment), il se voit petit à petit confier la direction technique du laboratoire. Ses connaissances en chimie et son inventivité s'imposent. Pour lui, chaque problème a sa solution. Le gouvernement de Vichy et l'occupant allemand, perfectionnant et multipliant sans cesse papiers et tampons, il doit adapter ses techniques, en créer de nouvelles. L'invention du filigrane fut un des multiples défis à surmonter.


Faux papiers en cours de réalisation : l'encre vient d'être éffacée par Adolfo.

Le rythme est effréné : en effet, les demandes de fausses cartes sont innombrables et le nombre de résistants est encore faible à cette époque. Adolfo travaille nuit et jour. L'annonce de rafles entraîne des courses contre la montre. Il devient nécessaire de mettre en place une imprimerie, afin de créer de nouveaux papiers. Modifier des documents déjà existants ne suffit plus pour répondre à la demande. Les cartes disponibles sont rares et souvent abîmées. D'autres progrès techniques sont réalisés grâce aux idées de Kaminsky. Ainsi, certains tampons étaient très délicats à falsifier : l'impression, à dessein, n'était pas toujours parfaite sur un original. Ces "erreurs", ces "défauts" du tampon n'étaient pas fortuits mais mis en place pour détecter les faux. Et le faussaire de commettre une énorme erreur lorsqu'il rectifie la mauvaise impression. Il devient donc nécessaire de faire la réplique exacte du tampon pour éviter toute méprise. Adolfo décide alors d'enrichir son savoir auprès d'un photograveur. Il prétexte une simple curiosité d'amateur et assimile en quelques semaines les grandes lignes du métier. La mise en place de la photogravure nécessite l'ouverture d'un second laboratoire au 21, rue Jacob.

Le laboratoire dut sa survie à son strict cloisonnement. Chaque membre de la Sixième ne connaissait que deux ou trois autres résistants. Bien que celui-ci fut le fournisseur principal du nord de la France et du Benelux, et que de nombreux échanges aient eut lieu avec les autres réseaux (rendant possible le travail à la chaîne), il n'a jamais été détecté par la Gestapo. Même le responsable du réseau ignorait les adresses des laboratoires.


Vraie carte d'identité juive.

Le travail des membres de "La Sixième" a permis de sauver des milliers d'enfants juifs.


Sommaire - Le contexte historique - Sa famille - Ses motivations - A.Kaminsky résistant - Trois jours de la vie d'un résistant - Et après la guerre?