ET APRES LA GUERRE ?

 

Après la libération de Paris, le 25 Août 1944, Adolfo Kaminsky ne va pas voir défiler le Général De Gaulle sur les Champs-Elysées, et ne participe pas à l'euphorie ambiante: il reste cloîtré dans le laboratoire de la rue des St Pères en proie a une profonde tristesse. Tout semble en effet terminé pour lui. La pression accumulée durant la guerre tombe soudainement et il ne se sent plus d'aucune utilité. Contrairement à d'autres résistants, il n'a pas d'études à poursuivre et ne possède pas de métier ou de foyer à regagner. Le laboratoire et les faux papiers représentaient toute sa vie , et il éprouve une grande solitude.

Adolfo s'engage alors dans l'armée et part pour le front, en Allemagne. Il revient peu de temps après pour proposer ses services au gouvernement français, qui le charge de préparer une identité crédible aux espions parachutés derrière le front et chargés de repérer les divers camps de concentration, afin d'éviter leur destruction. Ce travail compliqué (il faut prévoir outre les faux papiers classiques des éléments comme une enveloppe déchirée, une lettre, un vieux billet de train prouvant que la personne séjourne depuis quelques temps en Allemagne) convient tout à fait à Adolfo, mais il ne dure qu'un temps : la capitulation allemande le laisse au " chômage technique ".

Cependant, la fin de la guerre ne résolvait pas pour autant le problème des camps de concentration : que faire des milliers de personnes déplacées qui se retrouvaient souvent sans famille ni patrie d'accueil? Une des solutions consistait à envoyer ceux qui le désiraient (en grande partie des Juifs) en Palestine, territoire à l'époque peu peuplé. Cependant, les anglais qui contrôlaient la région imposaient des quotas d'immigrations extrêmement faibles. Une filière clandestine se développait. Il fallait donc impérativement des papiers d'identité pour les émigrants. Un des investigateurs du mouvement clandestin, ayant bénéficié durant la guerre de faux papiers faits par Kaminsky, proposa alors de faire appel à ce dernier en raison de la qualité de son travail. Adolfo accepte tout de suite, ravi de pouvoir enfin reprendre du service pour cette cause humanitaire. Il fait appel à d'anciens membres de la Sixième et le laboratoire se remet en route.

Ce travail l'occupa jusqu'en 1948, date de la création de l'Etat sioniste d'Israël. Kaminsky quitta alors son poste car son idéal humaniste ne pouvait concevoir un pays où pouvoir et religion seraient mélangés. Il commença une vie " normale " et devint photographe professionnel. Son existence "Résistante" semblait terminée lorsque la guerre d'Algérie éclata, en 1954. Ce conflit prit vite une forme malsaine (torture, attentats, enlèvements…) et Adolfo décida de faire tout son possible pour l'abréger. Il entreprit d'aider les rebelles du F.L.N. à lutter contre la présence française. Pour cela, il relança un laboratoire de faux papiers à Paris, puis à Bruxelles devançant par son départ les éventuels soupçons de la police. Ces papiers servirent aux militants du F.L.N. menacés de prison, donc de torture, à se cacher, et aux soldats français désireux de le faire à déserter. Bien qu'il ait prit le parti des nationalistes, Kaminsky a toujours refusé les attentats et la violence qu'il a toujours cherché à éviter.

A la fin de la guerre d'Algérie en 1962, les mouvements nationalistes d'Amérique du Sud, d'Espagne, d'Afrique du Sud, d'Angola, de Guinée-Bissau et de Grèce, qui cherchaient des faussaires pour les aider à lutter contre leurs dictateurs respectifs, font appel au réseau d'Adolfo Kaminsky. Il leur rend de très grands services, notamment en formant de nombreuses personnes à la falsification des papiers d'identité.

Hormis durant la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle il fut pris en charge afin qu'il puisse se consacrer totalement à son travail clandestin, A.Kaminsky a toujours effectué ses missions gratuitement, ceci pour conserver sa totale indépendance et pouvoir à tout moment refuser des tâches incompatibles avec ses idées.

Dans les années 1970, Adolfo sort de la clandestinité. Il a aujourd'hui trois enfants et un petit fils, et il se consacre à sa passion : la photographie. Kaminsky a reçu la Croix du Combattant, la Croix de Combattant Volontaire de la Résistance, et tout récemment la médaille de Vermeil de la ville de Paris pour l'ensemble de ses actes de résistance.

Médailles d'Adolfo Kaminsky (médaille de Vermeil, Croix du Combattant Volontaire de la Résistance, Croix du Combattant).


Sommaire - Le contexte historique - Sa famille - Ses motivations - A.Kaminsky résistant - Trois jours de la vie d'un résistant - Et après la guerre?